Rail et maritime bas carbone : leviers oubliés de la logistique africaine
Alors que la décarbonation du transport devient un impératif mondial, l’Afrique continue de miser quasi exclusivement sur la route pour acheminer ses marchandises. Le transport routier assure près de 80 % du trafic de fret sur le continent, contre une part marginale pour le rail et le maritime. Ces deux modes offrent pourtant des solutions plus durables, moins émettrices de CO₂, et souvent plus compétitives sur les longues distances.
La prédominance de la route en Afrique, héritée des choix d’infrastructures du passé, a un coût : réseau dégradé, surcharge chronique des camions, enclavement des zones rurales et coûts logistiques parmi les plus élevés du monde. Selon les estimations, un train de fret peut remplacer jusqu’à 50 camions, réduisant d’autant l’empreinte carbone. La Banque mondiale indique que le rail génère 70 % d’émissions de CO₂ en moins par tonne-kilomètre que le transport routier diesel.

Pourquoi l'Afrique reste prisonnière de la route ?
Si le rail et le maritime offrent des perspectives solides pour décarboner la logistique africaine, plusieurs freins structurels continuent d’entraver leur montée en puissance.
Le premier obstacle provient du sous-investissement chronique dans les infrastructures ferroviaires et maritimes. La plupart des projets emblématiques restent partiellement réalisés faute de financement effectif.
À cette faiblesse des investissements s’ajoute une fragmentation des politiques publiques, qui freine l’émergence de corridors véritablement multimodaux. Malgré les ambitions affichées par la Charte africaine des transports maritimes, les stratégies nationales peinent à s’aligner sur les objectifs régionaux.
En outre, on note une absence d’acteurs logistiques capables de proposer des solutions combinant rail, mer et route. Le cadre réglementaire et fiscal, lui aussi, continue de favoriser la route au détriment des autres modes.
Des projets ambitieux, mais trop isolés
Plusieurs projets ferroviaires illustrent une prise de conscience du potentiel. En Afrique de l’Ouest, la rénovation annoncée de la ligne Abidjan–Ouagadougou et le projet de boucle ferroviaire Abidjan–Ouaga–Niamey–Cotonou–Lomé visent à relier les ports aux pays enclavés sans surcharger les routes.
À l’Est, le Standard Gauge Railway (SGR) entre Nairobi et Mombasa a déjà divisé par quatorze le temps de transit vers le port kényan. En Afrique australe et centrale, la diversification des axes progresse avec le projet Kazungula entre la Zambie et le Botswana, le Corridor de Lobito reliant la côte angolaise à la RDC et à la Zambie, ou encore la réhabilitation du réseau zimbabwéen.
En Afrique du Nord, l’Égypte et le Soudan prévoient une liaison ferroviaire de plus de 900 km, connectée à des tronçons routiers et à plusieurs ports maritimes et fluviaux.
Au-delà de ces projets, citons aussi les initiatives existantes (mais encore trop fragmentées) pour tirer profit du potentiel offert par le cabotage. Cette modalité maritime consiste à transporter des marchandises entre les ports d’un même pays ou d’une même région.
Intégré à des corridors multimodaux combinant rail et route, le cabotage pourrait permettre de désengorger les axes routiers côtiers, tout en réduisant les émissions. Ce levier stratégique est soutenu par la Charte africaine des transports maritimes et la Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans à l’horizon 2050, qui appellent au renforcement de la flotte africaine et à l’amélioration de la connectivité maritime intra-continentale.
Sur le terrain, le Nigeria a relancé en 2025 son Cabotage Vessel Financing Fund (CVFF), visant à financer l’acquisition de navires par les armateurs locaux. Au Mozambique, le lancement en avril 2025 de deux navires dédiés au cabotage reflète la même volonté de renforcer l’option maritime dans les chaînes logistiques.
Accélérer la transition logistique avec des intégrateurs comme AGL
Africa Global Logistics (AGL) est bien positionné pour jouer un rôle structurant. Présent sur plusieurs corridors, via Sitarail (Côte d’Ivoire–Burkina Faso) ou Camrail (Cameroun–Tchad), le groupe relie ports, rail et route grâce à des solutions logistiques intégrées.
Avec son label « Green Terminal » et son engagement auprès du Pacte mondial des Nations Unies, AGL agit aussi pour réduire l’empreinte environnementale de ses activités. Son programme d’innovation Accelerate soutient par ailleurs des start-ups africaines œuvrant dans la logistique durable.
Pour faire émerger une logistique bas carbone compétitive, il faut orienter les investissements vers les axes interconnectés identifiés comme stratégiques dans le cadre de la ZLECAf. Cela passe par l’harmonisation des normes, la simplification des formalités douanières, une fiscalité incitative pour les modes les moins émetteurs, et le renforcement des opérateurs capables de gérer des chaînes multimodales mer-rail-route.