Africa Market Trends: Croissance et Défis face aux Tensions Commerciales Mondiales
Le marché du fret africain connaît une transformation sans précédent, avec une croissance robuste dans tous les modes de transport tout en naviguant dans des vents contraires géopolitiques complexes. La position stratégique du continent en a fait un champ de bataille critique pour l’influence commerciale mondiale, où les corridors de transport servent d’instruments à la fois de développement économique et de manœuvres géopolitiques.
Le premier trimestre 2025 a livré une performance exceptionnelle pour l’industrie du transport maritime par conteneurs, avec des volumes bondissant de 4,2% par rapport à la même période en 2024. L’Afrique subsaharienne a émergé comme la région d’importation la plus performante, enregistrant une impressionnante augmentation de 8% d’une année sur l’autre selon Container Trade Statistics. Cette trajectoire de croissance reflète des changements structurels plus profonds alors que le commerce bilatéral entre la Chine et les pays africains a atteint des sommets records dans les cinq premiers mois de 2025, augmentant de 12,4% d’une année sur l’autre pour atteindre 134 milliards de dollars américains.
«Cependant, les compagnies maritimes utilisent stratégiquement la gestion de leur capacité (allocation) - incluant les blank sailings - pour contrôler l'équilibre offre-demande et maintenir une pression sur les taux de fret, expliquant ainsi l'augmentation générale des taux vers l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique de l'Est et l'Afrique Australe.» AGL HQ seafreight procurement
Alors que les volumes de transport maritime par conteneurs s’envolent, le secteur du fret aérien africain fait preuve d’un élan remarquable. Le continent a enregistré une croissance de la demande de 4,7% en glissement annuel en avril 2025, tandis que les capacités se sont étendues de 9,7%, s’alignant sur l’augmentation mondiale de la demande de fret aérien de 5,8%. Cette expansion est portée par le secteur florissant des produits périssables comprenant les fruits, légumes, viandes et fleurs. La position du Kenya en tant que plus grand exportateur de légumes d’Afrique et troisième exportateur mondial de fleurs procure des avantages concurrentiels, renforcés par des accords commerciaux préférentiels avec les Émirats arabes unis, le Royaume-Uni et les pays européens.
Le e-commerce présente un potentiel de transformation considérable. Bien qu’elle représente 18% de la population mondiale, l’Afrique ne compte que pour 0,5% des revenus mondiaux du e-commerce. Astral Aviation traite déjà 500 tonnes hebdomadaires de volumes e-commerce en provenance de Chine vers l’Afrique du Sud. Les prévisions mondiales de fret aérien de Boeing prédisent que les volumes de fret aérien africains doubleront au cours des 20 prochaines années, et les experts du secteur s’attendent à ce que l’Afrique connaisse une augmentation des volumes de fret aérien commercial avec la Chine et l’Inde, et une réduction des volumes commerciaux avec les États-Unis.
Le succès du fret maritime et aérien trouve son complément dans l’évolution des infrastructures terrestres du continent, où les réseaux routiers et ferroviaires connaissent
une transformation parallèle, portée à la fois par les efforts d’intégration régionale et les intérêts géopolitiques concurrents. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) a accéléré le développement du fret routier transfrontalier, avec des corridors majeurs traitant des volumes croissants. Les artères clés incluent le Corridor Nord reliant Mombasa-Kampala-Kigali et le Corridor Central liant Dar es Salaam-Kigali-Bujumbura. Ces routes stratégiques facilitent l’intégration commerciale régionale tout en réduisant la dépendance aux marchés extérieurs.
Les investissements dans les infrastructures ferroviaires sont devenus particulièrement stratégiques, créant ce que les experts du secteur appellent la « Grande Course ferroviaire » entre les puissances mondiales. L’Initiative de la « Route de la Soie » de la Chine finance des projets majeurs incluant le Chemin de fer à écartement standard au Kenya et les extensions ferroviaires à travers la Zambie, tandis que simultanément, les États-Unis soutiennent le corridor ferroviaire Angola-Zabie-RDC dans le cadre du projet du Corridor de Lobito. Cette compétition infrastructurelle reflète un positionnement géopolitique plus large, les deux puissances reconnaissant que le contrôle des réseaux de transport se traduit directement par une influence économique à travers le continent.
Cependant, cette remarquable trajectoire de croissance à travers tous les modes de transport fait face à des vents contraires significatifs alors que les tensions géopolitiques s’intensifient autour de l’importance stratégique du continent. Le Décret exécutif 14257 (2 avril 2025) a introduit des tarifs douaniers américains étendus impactant directement 20 pays africains, créant des défis immédiats dans les secteurs clés. Les industries textiles du Lesotho et de Madagascar font face à des crises existentielles sous des tarifs douaniers de 50% et 47% respectivement.
Les défis s’étendent au-delà du textile vers la logistique de santé, où le commerce pharmaceutique fait face à une incertitude supplémentaire suite au retrait américain de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), menaçant les chaînes d’approvisionnement de vaccins et de fournitures médicales vers l’Afrique. La suspension effective de nouveaux projets de développement de l’USAID aggrave ces préoccupations, car de nombreuses opérations de fret dépendent des expéditions financées par l’agence. Pourtant, ces perturbations ont catalysé des réponses stratégiques qui pourraient ultimement renforcer la position de l’Afrique dans les réseaux commerciaux mondiaux.
Dans un changement de politique marquant qui contrecarre directement les restrictions commerciales américaines, la Chine s’est engagée à éliminer les tarifs douaniers sur 100% des importations de tous les pays africains qui maintiennent des relations diplomatiques avec Pékin. Cette réforme commerciale d’envergure marque une expansion significative par rapport aux initiatives précédentes et affecte les 53 nations africaines ayant des liens formels avec la Chine. Ceci représente une partie de la stratégie plus large de Pékin pour renforcer les relations économiques Chine-Afrique, particulièrement alors qu’elle navigue dans une guerre commerciale durable avec les États-Unis.
Ces dynamiques évolutives exigent de nouvelles approches stratégiques de la part des participants du marché du fret à travers tous les modes de transport. L’investissement dans les capacités de manutention des produits périssables devient essentiel, aux côtés de la préparation d’infrastructures e-commerce pour les expéditions plus petites et fréquentes en provenance d’Asie. Le positionnement stratégique dans les hubs africains clés offre des avantages concurrentiels dans ce paysage en rapide évolution. La ZLECAF présente des opportunités critiques pour développer des chaînes de valeur régionales et réduire les dépendances extérieures, tandis que des pays comme l’Égypte et le Kenya, sujets à des tarifs douaniers universels de 10%, pourraient bénéficier d’une concurrence asiatique réduite.
« Il est important de noter que l’augmentation des tarifs douaniers américains a un impact relativement faible considérant la dépendance de l’Afrique envers les États-Unis. Cependant, les accords commerciaux avec les partenaires asiatiques et européens présentent des alternatives viables à cette nouvelle stratégie commerciale américaine. De plus, le renforcement des relations commerciales intra-africaines pourrait accélérer l’établissement de l’ZLECAF, favorisant une plus grande intégration économique et résilience, » a souligné le Head of Customs d’AGL.
Le continent se trouve à un moment charnière où les tensions géopolitiques actuelles, bien qu’elles créent des défis immédiats, accélèrent également les efforts nécessaires de diversification et d’intégration régionale à travers tous les secteurs du fret. Bien que l’Afrique ne représente que 2% du commerce total américain, le potentiel de croissance du continent et ses ressources stratégiques créent des opportunités pour des relations commerciales plus équilibrées et durables.
